Une soixantaine d'hommes regroupés dans une hacienda, face à l'adversaire...
Qu'ont-ils de commun, au juste, les légionnaires de cette compagnie de marche ?
L'âge, d'abord. Ils sont jeunes, la plupart a juste trente ans, seuls Fritz, Constantin et Billod dépassent les quarante. Leurs origines sont diverses, leurs réussites chaotiques, le passé de chacun est de la même veine : déception, ennui dans un autre service des armes (pour le caporal Maine), incompréhension ou rejet (à l'exemple du caporal Berg), échec ou pauvreté. Ce sont tous des réprouvés, selon le terme qui prévaut pour des soldats qu'une opinion ne considère que peu, guerriers professionnels mais contractuels, aux limites du mercenariat pour les uns, aux mauvaises conditions de traitement pour les autres. Des gens particuliers, à qui le vocable de réprouvés conclut l'appréciation. Vraisemblablement, à l'exception du désir d'en découdre pour échapper au camp où sévit le vomito, ils n'ont à première vue que peu de points qui les rassemblent.
Pris au piège dans le corral mexicain, cette soixantaine d'hommes qui se débattent comme des diables a pourtant un élément en partage : l'épreuve.
Après les épreuves de vie qui ont blessé aussi souvent leur peau que leur âme, survient celle de la dernière révolte quasi animale pour survivre, celle instinctive du soldat qui s'apprête à tuer une ultime fois pour mieux mourir.
Dans cette infortune fi nale, acculés et rassemblés en meute, ils sont individuellement gagnés par ce que le naufragé dit-on, perçoit : un grand silence, un "vacarme assourdissant" qu'ils espèrent, avant qu'un réfl exe suprême les tende comme des cordes jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus retenir la vie.
L'épreuve ce jour-là s'habille aussi d'une noblesse qui ne leur a jamais été prêtée, celle d'une décision collective, rejetant l'envie sourde de s'en sortir seul, quoiqu'il en coûte aux autres. Elle les resserre, les unit dans l'honneur d'être fi dèle, sentiment plus rude que ceux dont certains se targuent d'être les dépositaires exclusifs...
L'épreuve de se sentir pour une fois grand, quand on a été longtemps un réprouvé.
Plutôt les hommes de Camerone ont été doublement des éprouvés ; la première fois en forçant leur destin à la Légion, la dernière en acceptant de lui sacrifi er leur vie, pour lui redonner tout son sens.
Bon Camerone, bonne lecture à tous,