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Mot du redac'chef N° 733

Mot du redac'chef N° 733

Cadre idéal pour laisser s'exprimer une facette de la fraternité naturelle des soldats, le 53e pèlerinage militaire international de Lourdes (une affluence de douze mille militaires et plus de trente nationalités différentes), en a encore été une illustration exemplaire, à l'occasion du déplacement du caporal-chef Émeneya.

Pilier majeur de nos traditions, la fraternité repose sur l'effort d'instinct, sans calcul. Un effort de fait, rustique souvent, "bohême" parfois. Sa première application soude les hommes et établit ce qui prévaudra dans leur vie communautaire, durablement. L'expression de compagnonnage d'amitié touche ceux dont on ne soupçonne ni la capacité à le produire ni celle à le recevoir. Le légionnaire est un soldat et un être d'apparence trop simple, pour qu'on prenne garde la plupart du temps de ménager le coeur que cache son enveloppe, généralement dépeinte comme fruste. Pourtant, il donne invariablement de lui, de plein coeur. Hors toute préméditation, pour ne pas être pris en flagrant délit d'avarice, tant il se montre généreux de ces petites attentions dont il a le secret et qui le caractérisent, dans ses rapports humains. Il veut aussi être compris, entouré, sensible qu'il est aux gestes qui procèdent de la reconnaissance.

Dans ce même élan, six cadres et légionnaires du 1er REG ont entouré de leur présence fraternelle le caporal-chef Kevin Émeneya, grièvement blessé à la tête l'été dernier en Afghanistan. Rapatrié en urgence, ses chances de survie étaient chiches, celles de s'en remettre tout autant. Kevin aujourd'hui, cloué à son fauteuil, à force de volonté, d'espoir et de maintien familial voit, suit les conversations en y répondant, dodeline du chef, et régulièrement tape sur l'ordinateur offert par le Foyer d'entraide. Il vit, vraiment.

Et le lien avec ses camarades ne s'est jamais rompu. À Lourdes, il s'est même retendu davantage.

Pas forcément tous enclins à s'y rendre d'eux-mêmes, les six du REG ne se sont pas posé de question : si le déplacement spirituel était fort pour Kevin, c'est bien là-bas qu'il fallait être avec lui. On ne grandit qu'avec ce que l'on partage, en refusant d'abdiquer et laisser le malade à sa tristesse solitaire... Choyé et escorté comme personne, le blessé a participé à toutes les célébrations, sa cohorte veillant sur lui, se frayant un passage en un docile équipage jusqu'à la grotte où leur camarade a formulé son voeu. Chacun y a puisé la force dont il avait besoin : pour l'escorte celle d'admettre de voir leur frère d'armes tel qu'il est et d'apprendre à percevoir ses progrès ; pour le blessé, tirer de ses prières et ses efforts la volonté d'aller au bout de sa détermination, pour un jour remarcher. L'énergie des uns et de l'autre, la foi de l'un et l'amitié des autres se multipliant mutuellement pour renforcer ce qui les unit, Kevin ne sera donc jamais seul dans son combat contre la fatalité d'une blessure.

Ayant la générosité de coeur comme réflexe instinctif, le groupe qui s'est mis en marche dans le sillage du fauteuil du sapeur blessé n'a produit aucun effort particulier, il a simplement agit avec l'esprit d'un clan où on ne laisse personne derrière.

Bonne lecture à tous,

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